Les combustibles ont joué une part importante dans la signalisation.
Dans l’antiquité, à l’arrivée d’un bateau connu ou la rentrée de pécheurs, la population allumait un brasier. En dehors de ces temps, il n’y avait aucun éclairage.
Ils utilisaient ce qu’ils avaient à leur disposition. C’était surtout du bois, mais à certains endroits c’était une denrée rare.
Le feu était placé sur une petite tourelle ou bien mis dans des paniers métalliques ajourés. L’on peut en voir une copie à Mornac (voir photo) et une seconde copie de "porte-feu à bascule" à Skagen (Jütland - Danemark).
Le bois a aussi été remplacé par ce qu’ils avaient sous la main, comme par exemple du charbon et des graisses diverses. Tout cela avait un coût qui devait être payé par la collectivité.
La consommation en charbon était considérable et très coûteuse. Au premier phare d’Ailly, ce n’est pas moins de 600 kg de charbon par nuit qu’on y brûle et qu’il faut monter.
Et tout cela pour un rendement médiocre.
Les problèmes sont multiples. Les quantités de charbon à monter rendent le travail pénible. Le nombre d’entreprises n’est pas facile à gérer. Les feux ne sont pas allumés régulièrement. Le coût du charbon est excessif, il doit parfois être importé d’Ecosse ou d’Espagne. C’est sans parler de l’espace de stockage.
Musée phare de Chassiron.
La Compagnie Tourville-Sangrain a entreprit d’éclairer les villes dont Paris. Ils s’occupent de l’alimentation en huile, de l’allumage et des entretiens.
Cette solution va être envisagée pour les phares. Une seule société qui s’occupe de tout avec de l’huile dont le prix est inférieur au charbon.
Le premier réverbère est installé à Sète en 1770. Il donne pleine satisfaction.
Les autres phares vont suivre et les transformations vont être effectuées. La Compagnie va avoir un contrat pour tous les phares.
Donc beaucoup d’avantages sauf un, la portée du feu n’est pas toujours à la hauteur des attentes.
Pourquoi ?
On y brûle des huiles qui sont fabriquées sur place avec ce que l’on trouve. Par exemple de l’huile de baleine, de poisson, végétale … Bien souvent des mélanges qui provoquent beaucoup de fumée, un éclairage faible et dont la durée est trop courte.
Finalement il est décidé de n’utiliser que de l’huile de colza.
En parallèle à cette évolution, des lanternes vitrées ont été placée sur les tours. Le vent et la pluie n’arrangent pas la stabilité du feu. Ces lanternes ont une coupole munie d’une cheminée.
Brûleur grand modéle.
Les réverbères sont équipés de réflecteurs paraboliques. Les montages installés comportent plusieurs réflecteurs avec autant de brûleurs.
En 1782, la compagnie installe 80 réflecteurs à Cordouan. Le faisceau est toujours trop faible. Manque de calcul car les mèches ne sont pas toujours placées au foyer et les paraboles ne sont pas parfaites. Ce problème est résolu par une fabrication plus sérieuse. A noter aussi que l’on va augmenter le nombre de mèches par parabole.
Mais le nombre de mèches va encore augmenter la consommation d’huile et imposer une présence accrue des gardiens.
Ce système est encore amélioré afin d’éclairer sur 360° (plusieurs réflecteurs placés en rond) ou par éclats (le réflecteur tourne autour de la mèche).
Brûleur - musée phare de Chassiron.
Brûleur - musée phare de Chassiron.
Exemple de multiples réflecteurs.
Hurst Castle Lighthouse Museum.
Le phare du Cap Bonavista a fonctionné de 1843 à 1962. Il a été transformé en musée provincial.
Un système catadioptrique assez rare a été remonté dans la lanterne.
On y voit les anciennes lampes à Argand avec les mirroirs paraboliques.
Face aux problèmes de l’huile, un nouveau combustible est essayé au début des années 1880, le gaz.
Le premier gaz est le gaz de houille. Son éclat est médiocre et son stockage difficile car peu compressible.
Vient ensuite le gaz d’huile. La lumière émise est intense. Il remplace peu à peu l’huile minérale dans les bouées lumineuses.
Des usines de production sont construites dans différentes subdivisions. Lorsque les grands phares sont équipés de brûleurs à gaz, la production se fait près de ceux-ci. Le premier phare autonome est Chassiron en 1895.
Si la lumière est bonne, la chaleur dégagée est intense. Il faut réduire la puissance ce qui réduit la lumière. Pas optimum.
Vapeur de pétrole - phare de la Vieille.
La solution viendra avec le placement d’un manchon sur le brûleur. Le gaz va brûler dans celui-ci. Il va devenir incandescent. Très belle lumière stable et moins de dégagement de chaleur.
Dernière innovation avec l’emploi du gaz, la vapeur de pétrole. Dés 1894, le service des phares fait les premiers tests au port de Saint Nazaire et à Royan. Les tests sont concluants.
Un ingénieur italien résume les tests : «Une plus grande économie d’usure, une plus grande efficacité, une intensité lumineuse uniforme, un encombrement moindre, une simplicité d’emploi, une chaleur dégagée faible … ».
Les phares sont rapidement équipés avec ce combustible. IL n’y aura plus de changement avant l’arrivée de l’électricité.
Dans de nombreux phares, on trouve encore les installations. Les explications des gardiens (quand il y en a encore …) permettent d’en comprendre le fonctionnement.
Vapeur de pétrole - les réservoirs.
Vapeur de pétrole - le brûleur.
Vapeur de pétrole - les manchons.
Le système utilisant les vapeurs de pétrole se compose de 3 parties.
- La première partie se compose de deux réservoirs contenant le pétrole et de deux réservoirs d’air comprimé. Le tout forme deux groupes similaires.
Un groupe pétrole et air est connecté à l’autre par un système de vannes. Un groupe est utilisé et l’autre est en réserve.
Chaque réservoir a son manomètre et un détendeur permet de régler la pression à l'entrée du brûleur. Ce système est placée dans la salle de veille sauf pour les optiques tournantes. Dans ce cas, les réservoirs sont placés sous l'optique.
- La seconde partie est le brûleur. Sa conception est un peu complexe. Ce qui est certain, c’est qu’il est composé d’un gicleur (ou injecteur) et d’une zone de pré chauffage. Le calibre du gicleur va fournir un nuage de pétrole plus ou moins important. Ce qui va doser l’émission de lumière.
- La troisième partie est le manchon. La pièce la plus fragile qui se place sur le brûleur.
Il est composé d’un coton imprégné. Lors de la première utilisation, il va se gonfler par la vapeur de pétrole. Un fois enflammé, le coton ne brûlera pas mais tiendra sa forme de boule. La vapeur devient incandescente.
Le manchon n’est pas éternel, il a une durée de vie et il est très fragile au touché.
Le travail du matin consiste à remplir les réservoirs de pétrole.
Celui-ci est monté du rez de chaussée à l’aide de jerricans.
Il faut aussi mettre les réservoirs d’air sous pression à l’aide de la pompe manuelle.
Un contrôle du gicleur peut s’avérer nécessaire.
L’allumage de la lampe se fait en deux temps.
Le premier temps est le pré chauffage du brûleur. Pour cela on utilise une lampe de chauffe contenant de l’alcool à brûler.
On le glisse sous le brûleur et on brûle le contenu.
On attend que le corps soit à température.
Une fois à température, on ouvre l’arrivé du pétrole.
Celui-ci se vaporise et provoque un nuage qui passe à travers le manchon.
Une flamme est approchée du nuage et le manchon est allumé.
L’on retire ensuite la lampe de chauffe.
Les photos sont issues du film "Les Gardiens du Feu" - Thierry Marchandier.
La dernière opération est de contrôler la flamme et de régler le débit du pétrole.
Si l’optique est tournante ou si elle possède des écrans tournants, le mécanisme est mis en route avec un contrôle de sa vitesse.
Lorsque le feu s'arrète en cours de nuit, le gardien doit déboucher l'injecteur à l'aide d'un fil de piano. Cette manipulation s'appelle "l'épinglage".
Pour être complet sur les gaz, il faut mentionner l’utilisation de l’acétylène, le butane et le propane.
L’acétylène a été utilisé au phare de Chassiron entre 1902 et 1905. Puis, grâce a un développement suédois, il sera utilisé pour les petits feux non gardiennés. Cette invention permet une automatisation plus facile.
Le butane et le propane seront également utilisés pour des petits feux. L’avantage est le transport en bonbonnes ou en cuves. Le gaz s’y trouve en phase liquide qui se gazéifie par détente. Deux explosions ont lieu à cause de la négligence des gardiens.
Brûleur à l'acétylène - Hurst Castle Lighthouse Museum.
Cette dernière grande évolution arrive avec la fée électricité.
Cette idée a commencé en même temps que l’application des gaz. Son évolution a été plus lente.
Lampe à arc - Musée Hoek van Holland, Rotterdam.
C’est déjà Léonor Reynaud qui s’est penché sur le sujet. Il a été conquis lors de sa visite au phare de South Foreland en Angleterre. C’était en 1859.
Les premiers tests en France ont lieu au phare Sud de la Hève en 1863. Le phare Nord le sera en 1865.
Les résultats sont concluants. Beaucoup d’avantages mais parfois une portée qui ne dépasse pas le système à gaz.
L’inconvénient est aussi le raccordement au réseau, les phares sont souvent loin du réseau.
La production indépendante est envisagée mais ce sont des machines à vapeur. Il faut beaucoup de place pour les installer. Les lampes sont à arc.
Néanmoins, les grands phares en sont équipés. Mais lentement.
Il faudra attendre la découverte de la dynamo et sa production en 1865. Meilleures performances, prix plus faible et encombrement réduit.
Le service des phares est frileux et veut d’abord amortir l’achat des machines à vapeur. Les premières dynamos sont installées à partir de 1893.
Lampe de 3000 Watts / 110 V.
Le passage à l’électricité se fait très lentement. En cause, le prix élevé des modifications et du matériel. En parallèle, il ne faut pas oublier que les lentilles de Fresnel sont aussi à installer dans les phares.
Le véritable coup d’envoi est sûrement dû à l’extension du réseau public, du moins pour les phares proches des agglomérations. Les raccordements aux phares sont moins coûteux. Pour les autres, les groupes électrogènes demandent moins de place.
Autre facteur, l’arrivée de la lampe à incandescence.
L’alimentation est, dans certains cas, fournis par des aérogénérateurs et plus tard par des panneaux photovoltaïques.
Les lampes existent sous de nombreux formats et puissances. L’automatisation sera facilitée avec ces lampes et de nombreux phares seront équipés de changeurs automatiques.
Collection de lampes - Musée Hoek van Holland, Rotterdam.
Vers les années 2000, l’ampoule à filament est lentement remplacée par un système à Led.
Le coût est plus élevé mais la durée de vie est grande et, de ce fait, demande moins d’intervention.
Une page complète concerne l'implémentation des Leds dans les lanternes. Dans certains cas, les lentilles sont retirées.
Led en démonstration - Musée Hoek van Holland, Rotterdam.
Je remercie les différentes personnes qui m'ont aidé à réaliser cette page.
Je remercie également Monsieur Thierry Marchadier pour son autorisation d'extraire les images de son films "les Gardiens du feu" - société 1+1 Production.
Petit feu avec changeur de lampes.
Musée Hoek van Holland, Rotterdam.
Lampe à incandescence.
Musée Hoek van Holland, Rotterdam.