Les matériaux utilisés, des origines à maintenant.


Cet article a pour but de passer en revue les différents matériaux utilisés au cours du temps.
La technologie a évolué et les matériaux de construction ont changé. Ce qui a modifié le mode de construction des phares ainsi que sa forme et sa hauteur.
Les principaux matériaux ont été la pierre, la maçonnerie, le bois, le métal et pour finir la fibre de verre.
Le tableau ci-dessous donne une datation de l’évolution des matériaux.


La pierre.


Pour la construction des premiers phares, un échafaudage en bois était disposé sur le rivage et un feu était placé à son sommet. Cette construction n’étant pas pérenne, la pierre de taille a vite été adoptée.
Parmi ces premières et anciennes réalisations, on trouve le phare d’Alexandrie (des blocs ont été retrouvés en mer et l’on suppose qu’ils en étaient l’origine), la Tour d'Hercule à la Corogne (1° siècle mais transformée en 1788) et Cordouan (début en 1584).
Ci dessous, deux photos de La Tour d'Hercule (Espagne).



Lors de la construction des phares le long de la côte atlantique, par exemple, les pierres ont été utilisées. Elles étaient acheminées près de la construction, taillées sur mesure puis assemblées.
Cette méthode était fort intéressante pour les phares d’accès difficile comme les phares en mer. Un exemple est le phare de Héaux de Bréhat. Les pierres étaient préparées sur l’île de Bréhat et acheminées sur le site lorsque l’état de la mer le permettait.


La Vieille (France).


Le Cap Frehel (France).

Un des avantages des pierres était de pouvoir faire des phares robustes. La pierre utilisée était trouvée dans des carrières proches (lorsque cela était possible). Cela permettait d’avoir des pierres de couleurs différentes d’un phare à l’autre.
Un autre avantage était de pouvoir donner du relief à la construction, comme la décoration du chemin de ronde et du balcon.

L'inconvénient de la pierre réside dans la qualité de celle-ci. Elle doit pouvoir résister à l’air marin voire à l’eau salée pour les phares en mer.
Dans certains cas, ces tours sont peintes pour les protéger comme c’est le cas d’Armen et des Grands Cardinaux. Ils font également office d’amer durant la journée.


La maçonnerie.


Avec la pierre, la maçonnerie est le matériau le plus utilisé. Ils sont choisis pour leur durabilité.
Dans le cas de la brique, elles étaient de préférence fabriquées le plus près possible du site. La couleur était choisie en fonction du résultat final.



Farol da Ferraria (Portugal).



La brique permettait également la réalisation de motifs. Le phare de la Canche (ici le phare est en béton).



Cabo da Roca (Portugal).

Dans certains cas, pour éviter la détérioration de la brique, un revêtement est appliqué. La pierre taillée peut également servir pour consolider les angles et finir le haut du fut.
Que ce soit en pierres ou en briques, l’on rencontre deux types de construction.
Le mur massif et le mur creux, le choix va dépendre de la hauteur de la tour, du poids de l’optique et de la résistance de l’édifice au vent et aux vagues.
Dans le cas d’une tour à hauteur réduite, le mur massif est généralement adopté. L’escalier va renforcer la construction.
Lorsque la tour est haute ou doit résister aux assauts des vagues, la tour aura une forme conique (certaines ont une forme de trompette).
Le mur sera dit creux car un second mur intérieur sera cylindrique. Les deux murs seront solidarisés entre eux pour garantir la stabilité de l’édifice. Le vide permet une bonne ventilation et réduit le poids de l’ensemble.

Dans un cas comme dans l’autre, l’entretien consiste à vérifier les joints et la porosité de la brique utilisée. Un nettoyage de la brique peut s’avérer utile mais les moyens utilisés ne doivent pas être abrasifs.

Dans le cas du feu de Saint Pol, l'assaut des vagues a eu raison sur le revetement. L'eau salée a pénétré dans les joints et fait sauter les briques les unes après les autres.
Un bâtiment peut bouger et engendrer une ou des fissures. Ceux-ci sont sources d’infiltration d’eau.


La fonte et l'acier.


Vers le milieu du 19° siècle, on assiste à la « révolution métallurgique ».
L’évolution est rapide et les nouveaux alliages offrent de nombreux débouchés. Il est donc normal de penser aux métaux pour la réalisation de phares. De nombreux pays les adoptent. Ils offrent différentes possibilités.
Une des premières applications est de couler des caissons qui serviront de fondations. Ceux-ci seront remplis de pierres et formeront une bonne base bien stable.

La fonte.

L’alliage utilisé pour la conception de phares est surtout la fonte pour deux raisons.

La première est que cet alliage résiste à la corrosion. Sa structure et la présence, entre autres, du carbone lui donne une bonne résistance.
La seconde raison réside dans le fait que cet alliage permet d’obtenir des pièces coulées de formes et de grandeurs diverses.


Le phare de Breskens, la plus ancienne tour en fonte existante aux Pays Bas (1867)


Le phare d'Esposende (1922 - Portugal).



En France, la société Barbier, Benard et Turenne en ont réalisé plusieurs.
Une ancienne affiche de Sautter - Lemonnier atteste en avoir réalisé.




Pour le corps du phare, on va couler des plaques qui seront ensuite boulonnées sur place.
Le montage sera simple et rapide.
Deux photos montrent cet assemblage.



Le montage sera simple et rapide.
Pour le corps du phare, on va couler des plaques qui seront ensuite boulonnées sur place.

L’inconvénient de cet alliage est sa réalisation. Le dosage fer carbone (< 2%) est important et, lors du coulage, il ne peut y avoir de poches d’air. Ceux-ci augmenteraient la corrosion.

Le fer forgé.

La fonte est trop dure et peu malléable.
Le fer forgé sera utilisé pour la fabrication de poutres. Elles offrent une grande résistance à la traction et à la compression.
Ces poutres vont servir à la réalisation de feux. Le montage sera simple et rapide.
(Berghaven - Pays Bas)

Les alliages d’acier.

De nombreux alliages vont voir le jour. De la composition chimique dépendra, entre autres, de sa résistance mécanique et de sa corrosion. Ils auront des utilités différentes en fonction des mises en œuvre possibles.

On cite l’acier galvanisé (Fe et zinc, le revêtement en zinc le protège de la corrosion) et l’acier inoxydable (mélange de fer, de chrome et de nickel. Très résistant à la corrosion mais plus couteux). Ces alliages seront utilisés pour des accessoires, des décorations et dans la lanterne.

Réalisations diverses.

Le phare Amédée est une des deux réalisations métalliques de Léonce Raynaud.
En 1861, il dessine une tour de 45 m pour la Nouvelle Calédonie.
Ses buts étaient de faire réaliser et assembler cette tour à Paris, la démonter, la transporter et la faire remonter sur place d'une manière simple.
Son but était également de rivaliser avec les anglais qui avaient pris de l'avance sur ce genre de construction.

Sa seconde réalisation est les Roches Douvres, il a été démoli en aout 1944.

L'idée d'Eifel sur les phares métalliques était différente.
Il partait d'un tube central maintenu par des poutrelles métalliques.

Peu ont été construit (ici le phare de Valassaaret en Finlande).
Il a aussi réalisé quelques feux de port.

Aux Etats Unis, surtout dans la région des Grands Lacs, de nombreux phares "en mer" ont été construits.
Les bâtiments sont en fonte. Les plateformes sont montées sur soit des pilotis, soit des bases en pierres. Ces phares étaient gardiennés.

Le dernier phare d'Alprech est un modèle original. Il a été construit en 1962.
Il est composé d'une tour métallique entourée d'un escalier hélicoïdal. Sa hauteur est de 17 m.


Le bois.


Depuis très longtemps, le bois a été utilisé pour la construction de phares et de feux. Ce matériau est facile à mettre en œuvre et facilement disponible.
Il a été utilisé, par exemple, dans la Gironde où la mobilité des bancs de sable rendait le choix des sites difficiles. Vu l'urgence, un assemblage en bois était rapide et facile à déménager.
Il a néanmoins été écarté lorsque les moyens ont été trouvés pour réaliser les fondations solides. Dès ce moment, les matériaux utilisés sont passés à la pierre, la brique ou à l’acier.
Les constructions étaient composées d’une structure « ossature de bois ». Celle-ci était recouverte de planches.
L’utilisation du bois ne se limitait pas au corps du phare, mais on le trouvait également dans les portes, fenêtres, garde-corps, les escaliers et les motifs de décoration. Ces éléments se trouvaient également dans les constructions en pierre et en fer.
Ces éléments en bois font également partie des caractéristiques historiques du phare.

Plus que les autres matériaux, le bois demande une attention particulière. Pour une bonne conservation, il faut y apporter une attention régulière. On pense à l’humidité qui provoque le pourrissement et les nuisibles de bois qui peuvent causer de grands dommages. Heureusement, les produits existent.
Certains donnent l’aspect d’un phare en bois mais en réalité, le bois n’est que le recouvrement d’un phare en brique.

L’inverse existe également, un phare peut être recouvert de briques lorsque son revêtement bois est jugé trop dégradé.


On trouve de nombreux phares en bois au nord des Etats-Unis et au Canada.


Phare de la Martre.


Phare du Cap Gaspé.


Le béton.


Le béton a fait son apparition au début du 20° siècle. Le monde des phares n’a pas échappé à cette nouvelle évolution. Les avantages tels que le faible cout de construction et la durabilité ont eu raison. Donc un entretien minimal.
Le premier béton est un mélange de sable, gravier ou gravats et ciment. Cette masse a un avantage, il se solidifie au contact de l’eau. Mais il a un inconvénient, sa solidité.
Pour pallier à cela, le béton armé fait son apparition. On utilise le même mélange mais on inclut une armature métallique. Sa résistance est augmentée.


Le phare de Cayeux (France).


Le phare de Berck (France).

Un autre avantage est la réalisation. Il peut être coulé sur place. Ce qui en fait une structure monolithique. Il peut être moulé hors site et être assemblé sur site.
Mais le béton n’a pas été la solution miracle. Les problèmes sont arrivés assez vite. Le béton se détériore rapidement pour différentes raisons, surtout environnementales.
Si le béton n’était pas vibré, il laisse des vides. Lors d’infiltrations, l’eau peut y rester.
Si le béton est coulé sur place en plusieurs jours, il peut y avoir un joint entre les différentes couches. Ces joints sont propices à l’entrée d’eau et à laisser pousser les mauvaises herbes ou la mousse. Que se passe-t-il lors d’un gel ?

Une solution consiste à l’application d’un revêtement imperméable sur toute la surface. Mais cette surface protectrice peut piéger les vapeurs d’eau.



Phare de la Canche, construit en béton, il est recouvert de briques.



Le béton permet des formes originales comme au phare de la Pointe au Père (Canada)



et au phare de Cintrao (Portugal).

Le béton de mauvaise qualité se désagrège de lui-même avec le temps.
S’il n’a pas été enduit, le béton absorbe l’humidité . Les gravats ou les pierres constituant le mélange peut absorber l’eau. Lors de gel, l’eau gonfle et fait sauter la couche extérieure du béton.
Lorsque le béton armé est utilisé, l’eau attaque les structures métalliques. Ces parties métalliques, en rouillant, gonflent et font sauter le béton.

Et que dire du contact métal – ciment ?


La fibre de verre.


Depuis l’apparition de la résine de polyester renforcée avec fibre de verre, la marine s’y intéresse.

La société Gisman a développé des tours modulaires.
Ces tours ont entre 6 m et 15 m de haut. Elles peuvent supporter jusque 300 kg de charge. Le module inférieur est plus large, ce qui permet de placer les batteries et l’électronique de contrôle.

Une seconde compagnie, Sabik Marine, propose également ces produits. Peu d’informations sur le site de la société.
Les deux exemples ci-dessous doivent venir de cette dernière société.



Les avantages d’un tel système sont le montage facile sur un terrain parfois difficile et un matériau qui supporte l’air marin donc sans corrosion.


Conclusions.


Comme on le voit, chaque matériau a ses avantages mais également ses inconvenants. Ils ont toutefois un point commun.

Lorsque les gardiens occupaient les lieux, les endroits de vie et de travail étaient entretenus régulièrement. Les locaux étaient ventilés et l’état extérieur était observé. Le personnel effectuait les réparations.
Si des travaux à plus grandes échelles devaient s’envisager, les responsables étaient alertés.

Avec la disparition des gardiens, les restrictions budgétaires et en personnel, les choses ont changé.
Le personnel, intervenant prioritairement pour le côté signalisation, n’a plus le temps pour s’occuper du reste, cad le maintien du bâtiment.

Si on prend le cas d’une infiltration d’eau, le bois va lentement mais surement pourrir. Le mérule va s’en donne à cœur joie. La stabilité du plancher va devenir dangereuse. C’est l’exemple du phare du Millier. Dans ce cas, la toiture et les écoulements des eaux ont été remplacé mais pour ce qui est de l’intérieur, rien n’a été fait.

Si les gardiens entretenaient leurs lieux de vie et de travail, il faut une relève qui entretient le patrimoine.
Cela montre bien que, si on veut préserver ce patrimoine, il faut des visites régulières. Une bonne observation et une intervention rapide pour éliminer le problème.
La solution de laisser les bâtiments à des associations permet de les ouvrir au public. Ils seront ainsi aérés et entretenus.
Mais là encore, il faut que les travaux soient réalisés par du personnel compétant. Il faut analyser les causes puis trouver les remèdes.

Chacun dans son domaine.